Qu’est-ce qu’un leadership agile? Le terme lui-même est vertueux et nous incite à penser que c’est ce dont tous auraient besoin en période de crise ou de grande instabilité.

Un très bon exemple de leadership agile, en cette période de pandémie, est le Premier Ministre du Québec, François Legault, et son équipe.

L’importance d’un bon leadership n’est jamais aussi évidente qu’en période de grande incertitude. Si ce n’est que pour rassurer les troupes.

Le/la leader agile saura non seulement maintenir le cap mais il/elle limitera les dégâts et accroîtra les probabilités que l’organisation ressorte encore plus forte de l’épreuve.

Le leadership agile n’est pas un type ou une catégorie de leadership au sens du leader

  • expert
  • chef d’orchestre ou
  • développeur de talents

tel que définit par David Bradford et Allan Cohen, auteurs de Managing for Excellence ou toute autre classification que l’on retrouve dans la littérature d’affaires.

Il s’agit plutôt d’une façon d’être et de se comporter qui sont en ligne avec les constats de l’agile et qui répondent à certains éléments-clés.

Un leader agile pourrait donc se retrouver dans n’importe quelle autre classification de leadership bien que certains types sont plus propices au leadership agile que d’autres.

Le texte qui suit s’applique principalement, bien que pas uniquement, dans des contextes d’organisations où on retrouve des travailleurs du savoir ou de la main-d’œuvre qualifiée.

 

5 éléments-clés du leadership agile

Il y a en fait beaucoup plus que 5 éléments au leadership agile. Le regroupement en 5 éléments-clé n’est que pour alléger le texte.

 

 Décentralisation des décisions

Il s’agit de l’élément le plus important du leadership agile.  On fait référence ici à la capacité de chaque membre de l’équipe de prendre les décisions nécessaires à effectuer son travail, peut importe l’ampleur du coût que cela implique.

Ça peut sembler effrayant à première vue mais pensez-y. Lorsqu’on a une équipe de gens qualifiés, hautement éduqués et compétents c’est un non-sens de croire que ils/elles sont incapables de prendre de bonnes décisions. Ils/elles n’ont besoin que des informations pertinentes.

La décentralisation des décisions a aussi pour avantage d’accélérer, de manière significative, la prise de décision et de faire en sorte que les membres de l’équipe qui sont plus susceptibles d’avoir l’information pertinente à la prise de décision soient ceux qui la prenne.

Le/la leader agile s’assure alors que tous les membres de son équipe disposent des informations nécessaires à la prise de décision. Ceci inclut la vision, la mission et la stratégie de l’organisation.

Attention! La décentralisation des décisions ne veut pas dire de se dérober à ses responsabilités de leader.

Les décisions difficiles qui sont prises pour le bien de l’organisation dans son ensemble, tels les licenciements multiples ou la fermeture d’un site, restent la responsabilité du/de la leader.  Le/la leader agile pourra alors partager les données et le raisonnement qui l’ont mené à sa décision avec son équipe et considérer toute suggestion d’alternatives. Il/elle laissera aux membres de son équipe les sous-décisions qui impactent leur équipe directement et demandera la coopération entre équipes mais en aucun temps transférera-t-il/elle le fardeau de la décision difficile.

La décentralisation des décisions doit nécessairement s’accompagner de la tolérance à l’erreur. Il est clair que si se tromper en prenant une décision implique une réprimande, ou pire un congédiement, aucun membre de l’équipe ne voudra prendre cette responsabilité. Cette tolérance à l’erreur ne doit pas venir uniquement du/de la leader mais de toute l’organisation.

Si vous croyez que votre organisation n’est pas propice à la décentralisation des décisions, je vous invite à visionner cette vidéo inspirée d’une présentation du capitaine David Marquet de la marine américaine.

 

Décisions basées sur la donnée

Je vous entends, leaders, me dire qu’une large part de vos décisions sont prises en l’absence, totale ou partielle, de données. Oui, vous avez tout à fait raison.

Si je vous demande, par contre, de retourner sur vos 2,3 ou 10 dernières décisions (petites et grandes) et me dire pour combien d’entres elles y avait-il de la donnée qui existait (à laquelle vous n’aviez pas accès) et qui aurait pu vous éclairer et réduire le risque d’une mauvaise décision. Je suis persuadée que pour une majorité de décisions, où vous avez dû vous fier à votre jugement, il y avait de la donnée disponible et que si l’enjeu était suffisamment grand, vous avez pris le temps de trouver cette information.

En temps normal réduire le risque de mauvaises décisions donne un avantage à l’organisation.

En période de grande instabilité l’impact d’une mauvaise décision ou d’une décision tardive est souvent amplifié et peut avoir un résultat catastrophique.

Le/la leader agile s’assure d’avoir un maximum de données pertinentes et actuelles disponibles pour assister sa prise de décision et celle des membres de son équipe. Il/elle privilégiera les projets qui lui sont présentés dont les hypothèses ont été validées auprès des parties prenantes, ce qui générera des données pour la prise de décision.

Lorsque possible, les décisions où 100% de la donnée requise est disponible, devraient être automatisées.

L’acquisition de données actuelles (recueillies dans le dernière mois au plus) peut être impartie mais, a significativement plus de valeur si elle provient d’expériences de validation.

 

Gestion centrée sur l’humain

L’approche agile dans sa totalité en est une centrée sur l’humain et la satisfaction de ses besoins.

D’abord appliquée au niveau du client ou de l’usager, cette approche s’étend au niveau des travailleurs qui œuvrent dans l’organisation.

Sachant qu’il peut être plus difficile pour un/e travailleur de satisfaire les besoins des clients lorsque les siens demeurent insatisfaits, le/la leader agile s’attarde à satisfaire les besoins des membres de son équipe en ce qui a trait à leur travail.

Bien que l’équité reste de mise on écarte le traitement uniforme de tous les membres de l’équipe ou des comportements tels envoyer un mémo prescriptif à l’équipe lorsqu’un des membres commet une bévue (qui est une forme de punition suite à une erreur).

Si satisfaire les besoins de votre équipe vous semble une tâche gargantuesque ou irréalisable, je vous invite à visionner cette vidéo de Dan Pink sur les facteurs de motivation des travailleurs qualifiés.

Vous verrez qu’il n’est pas si compliqué de satisfaire les besoins de la plupart de vos employés.

 

La communication continue

En période de crise ou d’instabilité, la donne change constamment et rapidement. Un surplus d’information, souvent erronée accompagne le tout.

C’est pourquoi le/la leader agile saisit toutes les opportunités pour communiquer avec l’équipe (pour les grands messages) et les membres de son équipe individuellement (pour répondre aux question spécifiques et éclaircir les informations transmises).

Cela demande plus de temps de communication surtout au début de la transformation vers du leadership agile[1].

C’est pourquoi le/la leader agile utilise, a bon escient, la technologie pour faciliter la communication asynchrone (telle Slack, Zoom, JIRA, Trello, Onenote, etc.)

 

La transparence

Le dernier trait du leadership agile, mais non le moindre, est la transparence.

Dans un contexte de décentralisation des décisions et de décisions appuyées par la donnée, la transparence est déjà bien amorcée.

Il reste la transparence des intentions. Ce type de transparence, jumelé à la gestion centrée sur l’humain, se fait naturellement.

 

On pourrait ajouter un sixième facteur-clé qui est l’apprentissage en continue, ce tant pour le/la leader que les membres de l’équipe. Je crois par contre que l’apprentissage continu n’est plus l’apanage de l’agilité. Il fait tout simplement partie de d’un bon leadership.

Là où il serait l’apanage de l’agilité est si on l’associe à l’expérimentation. L’expérimentation sera une source importante de données actuelles pour la prise de décision.

Comme on peut le constater, le leadership agile n’est pas simple et demande une infrastructure pour sa mise en place, mais il a de très nombreux avantages.

 

Les avantages du leadership agile

On recense de nombreux avantages significatifs pour les organisations à qui adoptent le leadership agile. Parmi ceux-ci on note;

  • Un environnement de travail plus harmonieux
  • Une productivité accrue
  • Un temps de réaction de l’entreprise significativement plus court
  • Une plus grande attraction des milléniaux qualifiés
  • Une capacité d’innovation significativement plus élevée
  • Une plus grande capacité de gérer les périodes de crises

 

Si on revient à l’exemple de François Legault, Premier Ministre du Québec, et son équipe voici ce qu’on a pu observer depuis le début de la pandémie.

 

Facteur-clé de leadership agile Exemple d’action observée
Décentralisation des décisions
M. Legault se fie entièrement aux décisions de Dr. Horacio Aruda Directeur de la Santé Publique, et son équipe en ce qui a trait à la période et l’étendue de la période de quarantaine.
Décisions basées sur la donnée
Les décisions de fermer les écoles, les commerces et entreprises non essentiels et l’accès à certaines régions ont toutes été prises à partir des modèles prédictifs basées sur les données recueillies sur le terrain dans les jours précédents.
Gestion centrée sur l’humain
Selon M. Legault, le gouvernement s’occupe d’abord de sauver des vies, ensuite de l’économie.  Le Dr. Aruda a maintes fois rappelé aux québécois de prendre soin non seulement de leur santé physique mais mentale et émotive.
La communication continue
M. Legault anime des points de presse hebdomadaire depuis le début de la période de quarantaine. Il multiplie également les appels avec les membres de son cabinet.
La transparence
Non seulement M. Legault explique clairement le raisonnement derrière toutes les décisions qui ont un fort impact sur les québécois mais il dévoile même que son gouvernement garde certaines informations (non validées) privées afin de ne pas causer de panique indûment.

 

Le pivot vers le leadership agile ne se fait pas rapidement ni sans heurts. Un coach en gestion agile vous sera probablement utile, voir essentiel pour certains, au début de la transition.

Cependant, si vos comportements quotidiens répondent, en majorité, aux 5 critères du leadership agile tout ne sera pas parfait mais, ça va bien aller.

 

[1] Les membres de votre équipe devront aussi apprendre à gérer votre plus grande disponibilité et accessibilité.